22 novembre 2011
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Hier soir, le président Obama annonçait l'échec du comité bipartisan chargé de trouver 1.200 milliards de dollars d'économies dans le budget américain pour les dix prochaines années.
L'annonce de l'échec du "super-comité" bipartisan chargé d'assainir les finances américaines n'a surpris personne. Exécutif comme législatif, démocrates comme républicains, n'ont rien fait pour empêcher la rupture des négociations, car personne ne veut prendre de risques à moins d'un an de l'élection générale de novembre 2012. Hier agissant de concert pour laisser les choses en l'état, les deux camps se reprochent aujourd'hui d'avoir entraîné la fin des pourparlers. Un nouvel exemple de la menace d'effondrement qui plane sur le régime présidentiel américain.
Lancé en grande pompe début août dernier, le processus de "super-comité" bipartisan était censé remettre l'Amérique sur le droit chemin. Les médias ont beaucoup misé sur cette initiative qui semblait enterrer la hache de guerre entre les deux partis du pays, qui se sont déchirés tout l'été sur la question du relèvement du plafond de la dette américaine. Parmi les douze membres du comité, les Américains comptaient sur de grands noms comme John Kerry (sénateur démocrate du Massachusetts) ou Jon Kyl (numéro deux de la minorité républicaine au Sénat pour l'Arizona) pour mettre fin aux querelles intestines qui menacent la santé économique des Etats-Unis.
De cela, il ne fut résolument rien. Rien d'autre que le calme plat qui a caractérisé les trois mois de négociations entre démocrates et républicains. Selon Mike Allen, de Politico, les douze membres du "super-comité" ne se sont pas rencontrés depuis trois semaines. Ceux-ci n'ont jamais pu effleurer l'espoir de parvenir à un accord, préférant se reposer sur l'assurance de coupes automatiques de 1.200 milliards de dollars - à moitié dans l'armée et à moitié dans les programmes sociaux - à partir de janvier 2013, et ce pour les dix années suivantes.
L'artifice bipartisan était censé rassurer les marchés, ce qu'il a brillamment réussi à faire. Grâce aux coupes inéluctables de janvier 2013, les agences de notation seront sans aucun doute clémentes avec le statut financier des Etats-Unis. Mais les électeurs, eux, loin d'être satisfaits : selon le New York Times, le Congrès a atteint un record d'impopularité en novembre, avec seulement 9% d'opinions favorables.
Le graphique suivant en dit long sur la confiance que les Américains placent aujourd'hui en la branche législative de leur système politique : le Congrès est aujourd'hui plus impopulaire que Nixon lors du Watergate (24%). Même l'idée de voir les Etats-Unis verser dans le communisme semble plus populaire (11%) que l'actuel Congrès américain.
A un an de l'élection générale qui verra les cartes rebattues au Congrès en même temps qu'aura lieu la 57ème élection présidentielle américaine, les démocrates ne voulaient pas accorder aux républicains trop de coupes dans les programmes sociaux sans une contrepartie en termes d'augmentations d'impôts. Le parti de l'éléphant, solidement ancré à droite sous l'influence du TEA (Taxed Enough Already) Party, a quant à lui fait de la "non augmentation" des impôts son cheval de bataille depuis l'élection de Barack Obama.
Dans ces conditions, les coupes automatiques de 1.200 milliards de dollars sans augmentation de revenu pour l'Etat américain arrangeaient les deux partis. A présent s'engage la lutte sur le terrain de l'opinion publique, qu'il faut convaincre pour 2012. Hier d'accord pour mettre fin aux négociations quarante-huit heures avant la "deadline" officielle du 23 novembre, démocrates et républicains se sont aujourd'hui mutuellement reprochés l'échec du "super-comité".
Selon Barack Obama, "de nombreux démocrates avaient l'intention de mettre la politique de côté et avaient promis des réajustements raisonnaibles qui auraient réduit le coût de Medicare". Mais "de trop nombreux républicains ont refusé d'écouter les voix de la raison et du compromis venant du pays", le président a-t-il ajouté.
Les candidats républicains à la présidentielle, complètement écartés du processus législatif, se sont montrés avides de critiquer le président Obama, à qui ils ont la ferme intention de ravir la Maison-Blanche en 2012. Mitt Romney, par exemple, ne s'y trompe pas lorsqu'il attaque Obama sur les coupes budgétaires dans l'armée, à la veille d'un important débat en matière de politique étrangère : "Le monde se doit de regarder et de dire : 'Est-ce que vous voulez vraiment vous allier avec l'Amérique, quand elle traite si mal ses alliés et qu'elle coupe les vivres à son armée ?' Ce dont le monde a besoin, c'est d'une Amérique forte. Et en tant que président, je restaurerai le respect du monde envers l'Amérique".
L'actuel blocage insitutionnel, au fond, ne relève pas seulement des enjeux de l'élection de 2012, aussi cruciale soit-elle. Mais l'échec du "super-comité" fait suite à de nombreuses autres négociations avortées ces derniers mois et il est le reflet d'un système politique en mal de confiance, censé fonctionner grâce à une notion de consensus aujourd'hui complètement absente de l'esprit des législateurs américains.
Certes, les marchés font encore confiance à l'Amérique car elle fournit le strict minimum pour maintenir son standing économique. Mais la crise persistante aux Etats-Unis met en lumière bien plus qu'une récession économique : elle est annonciatrice d'une tempête politique qui pourrait, dans les années à venir, balayer le système présidentiel américain.