Hier soir, en débat à Washington, Newt Gingrich s'est fait remarquer par sa prise de position modérée sur l'immigration (Photo AP)
L'économie et, plus largement, la politique intérieure des Etats-Unis seront au coeur de l'élection de 2012. Cependant, pour procéder au choix du chef des armées américaines (Commander-In-Chief), il convient d'évaluer les candidats à la présidence sur leurs positions en matière de politique étrangère. Alors que les huit principaux prétendants à la Maison-Blanche peinent à se différencier dans leur critique unanime du président Obama, les affaires internationales les font diverger significativement, et pourraient ainsi venir les départager.
Depuis de longs mois, il ne fait guère de doute que l'économie sera la préoccupation principale des Américains à l'automne 2012. La prévision de croissance pour l'an prochain a été révisée à la baisse avant-hier par le gouvernement américain. Plus important encore, le taux de chômage reste de 9% en octobre, après un pic à 10,1% en novembre 2010. Pourtant, Barack Obama avait promis, en février 2009, que son plan de relance de 787 milliards de dollars le garderait en dessous des 8%.
En matière d'économie, il est donc difficile de dresser des différences entre les candidats républicains, unanimement convaincus de l'échec de Barack Obama. Le président, en mal de résultats sur le front économique, possède néanmoins un bilan plutôt favorable en politique étrangère, avec notamment des opérations victorieuses en Libye ainsi qu'au Pakistan, qui a vu s'éteindre la menace Ben Laden s'éteindre au printemps dernier. Malheureusement pour Obama, il pourra difficilement s'appuyer sur ces bons résultats l'an prochain, la priorité des Américains étant de retrouver un emploi et/ou de remettre les finances de leur pays à l'équilibre.
Les spécialistes s'attendaient hier à ce que, une nouvelle fois, l'action de Barack Obama soit vivement critiquée par les candidats républicains lors du débat. Dans l'après-midi, le premier spot télévisé lancé par Mitt Romney dans le New Hampshire laissait présager d'une féroce charge contre le bilan du président démocrate. Mais en réalité, les débats se sont très peu concentrés sur Barack Obama. Plus surprenant encore, les candidats ont su se distinguer les uns des autres sans avoir recours à des attaques personnelles, un fait plutôt rare au vu des dix premières joutes qui les ont opposés cette année.
Selon Roger Simon, analyste conservateur du journal Politico, "c'était le débat le plus extraordinaire de la saison : un candidat républicain à la présidence a dit : 'Soyons humains dans la façon de faire appliquer la loi' et il ne s'est pas fait hué". La phrase a été lancée par Newt Gingrich, nouvelle coqueluche des médias, qui a expliqué sa position en matière d'immigration illégale au public de Washington : "Je suis prêt à prendre un coup de chaud en disant cela, mais (...) si vous êtes là depuis 25 ans, que vous avez trois enfants et deux petits-enfants, que vous avez payé vos impôts et obéi à la loi et que vous appartenez à une église locale, je ne pense pas que l'on devrait vous séparer de votre famille, vous déraciner de force et vous jeter dehors".
Michael Shear, du New York Times, réagit ce matin en faisant valoir que la modération de Gingrich, tout frais arrivé en tête des sondages, en matière d'immigration pourrait revenir le hanter, tout comme ce fut le cas pour Rick Perry il y deux mois. Mitt Romney et Michele Bachmann ont tous deux signifié à Gingrich qu'ils n'étaient pas d'accord avec lui, "l'amnistie" ne pouvant que conduire à de nouvelles arrivées illégales selon eux.
Une des plus grandes divergences de la soirée a opposé Jon Huntsman, ancien gouverneur de l'Utah, à Mitt Romney, ancien gouverneur du Massachusetts, sur la question du retrait des troupes d'Afghanistan. En pleine lutte pour l'électorat modéré de l'Etat-clé du New Hampshire, Romney s'est prononcé contre le plan présidentiel de retrait rapide des troupes, tandis que Huntsman y est favorable.
Rick Perry, Herman Cain et Ron Paul se sont montrés trop en retrait dans le débat, que ce soit faute d'entrain, de connaissances solides, ou bien de vues trop extrême. Le libertarien Ron Paul, notamment, s'est distingué de tous les autres candidats en prenant position contre le Patriot Act de George W. Bush (2001), avide de ne pas sacrifier la liberté au profit de la sécurité. Tout à l'opposé, Rick Santorum a proposé "de suivre à la trace" les musulmans présents dans les aéroports : selon l'ancien sénateur de Pennsylvanie, "ce sont les personnes qui ont les plus fortes probabilités de commettre un attentat".
Le principal enseignement du débat d'hier soir repose sur le fait que, bien que qu'elles n'ont que peu de chances de peser sur l'issue de l'élection, les questions internationales sont un bon moyen de jauger le positionnement idéologique de chaque candidat. L'orthodoxie démontrée par le parti de l'éléphant en matière fiscale, cela a été prouvé hier soir, ne s'applique pas à la politique étrangère. Il en est de même pour l'esprit de compétition qui, à maintenant moins de six semaines des premiers scrutins, ne tardera pas à reprendre ses droits.