Le journal New Hampshire Union Leader, une importante force conservatrice du "Granite State", a officiellement apporté son soutien à Newt Gingrich dimanche matin.
C'est sans doute le soutien le plus important qui a été délivré jusqu'à présent dans la course à la nomination républicaine. En soutenant officiellement l'effort présidentiel lancé par Newt Gingrich, l'Union Leader tacle sévèrement le favori Mitt Romney, très populaire dans l'Etat de New Hampshire. Le point sur les causes et les conséquences de ce choix d'importance à moins de quarante jours du début des primaires.
La nouvelle est venue agiter, hier matin, une course à l'investiture mise entre parenthèses pendant les fêtes de Thanksgiving. Les spécialistes n'avaient guère de doutes sur l'identité du candidat soutenu par l'Union Leader. Le journal, d'essence conservatrice, recherche depuis trente ans des outsiders à la fibre plutôt modérée. Mitt Romney était éliminé d'office, car il fait pour le moment figure d'épouvantail dans le New Hampshire. Au milieu d'autres candidats courtisant tous le Tea Party, il ne restait que Gingrich.
Selon Joseph McQuaid, le patron de l'Union Leader, "nous cherchons des conservateurs qui ont un esprit indépendant, convaincus du bien-fondé des croyances de cette nation et de son peuple, et les mieux préparés pour la tâche de président. (...) Dans cette élection d'une importance capitale, le candidat qui répond à toutes ces caractérisques est Newt Gingrich. Il a l'expérience, les qualités de leadership, et la vision des choses qu'il convient pour mener ce pays en ces temps difficiles".
Son profil était idéal pour Joseph McQuaid, car Gingrich est sur une pente ascendante et s'impose depuis trois semaines comme l'alternative la plus crédible à Romney. En 2000, le journal avait ainsi opté pour Steve Forbes contre Bush et McCain, tandis qu'en décembre 2007, il avait choisi McCain au dépens de... Mitt Romney. A un mois du début des primaires, le soutien de l'Union Leader avait apporté un coup de pouce considérable au "comeback" dont le sénateur de l'Arizona fut l'auteur, et qui le propulsa jusqu'à l'élection générale de novembre 2008.
Le journal n'a pas toujours eu la main heureuse lorsqu'il s'est agi de sélectionner son champion républicain pour la présidentielle. En trente ans, seuls Ronald Reagan (1980) et John McCain (2008), ont été soutenus par l'Union Leader puis ont remporté la nomination. Mais en attendant le résultat du scrutin, au printemps prochain, cette nouvelle n'est assurément pas encourageante pour Mitt Romney.
L'ancien gouverneur du Massachusetts a tout fait pour obtenir le précieux soutien du journal, multipliant les apparitions publiques avec Joe McQuaid - la dernière date d'il y a dix jours. Si ce dernier s'était rallié à Romney, alors la course dans le New Hampshire était sans doute définitivement gagnée pour Romney. Mais McQuaid a toujours eu l'habitude de sélectionner des outsiders, car cela renforce l'attention des médias sur son Etat en rendant la course plus serrée.
Selon Alexander Burns, de Politico, McQuaid a réussi dans son éditorial à faire ce qu'aucun candidat n'était parvenu à faire jusqu'alors : dresser un bilan complet des arguments anti-Romney. Bien que le nom de l'ancien homme d'affaires n'apparaît jamais dans la colonne du journal, des arguments tels que "il est loin d'être le candidat parfait" sonnent comme des attaques directes envers Romney. Drew Cline, toujours pour l'Union Leader, ajoute également que Romney aurait été un très bon candidat à la présidence "à la fin du XIXème siècle". Cline reproche à Romney son attitude très prudente envers les électeurs, ainsi que le fait d'être avide de leur dire "ce qu'il croit que nous voulons entendre".
A courte échéance, le soutien du populaire journal va sans aucun doute contribuer à ralentir la marche de Romney vers la victoire dans l'Etat. Mais comme en 2008 avec McCain, cela aura-t-il un impact tel que Gingrich va s'envoler vers l'investiture du parti ? Impossible de la savoir pour le moment, car en dépit de la propulsion médiatique, Gingrich manque cruellement d'une organisation de terrain sur laquelle Romney travaille depuis plus de cinq ans.
Par ailleurs, l'ancien gouverneur du Massachusetts augmente prograssivement sa couverture de l'Etat de l'Iowa, qui vote en premier, pour essayer de forcer la décision une semaine plus tard dans le New Hampshire. Son espoir est de plier la course rapidement, et comme le montre le soutien d'hier, il apparaît que seul Gingrich puisse l'empêcher de réaliser ses projets. Mais l'ancien Speaker ira-t-il jusqu'à contester effectivement l'hégémonie de Romney dans le "Granite State" ? C'est le plus grand espoir de Joe McQuaid.