Le mouvement Occupy Wall Street ne semble pas perdre sa vigueur (Photo Getty Images)
Comme le montrent les protestations actuelles, le symbole de la puissance financière des Etats-Unis est fortement impopulaire... Mais pas auprès des candidats à la présidence américaine, qui ont besoin de ses fonds pour mener à bien leurs coûteuses campagnes. En 2012 encore, l'argent sera le nerf de la guerre ; mais cette fois, puiser dans le formidable réservoir qu'est Wall Street comporte d'importants risques politiques.
En raison de la crise persistante, Wall Street est l'objet de la colère des "Indignés" américains, unis sous la bannière du mouvement Occupy Wall Street. Les protestestions contre le temple de la finance mondiale rassemblent surtout des jeunes, novices en politique ou supporters démocrates déçus par l'action d'Obama, mais aussi quelques uns des Américains les plus conservateurs, appartenant à la frange républicaine du Tea Party. D'un bout à l'autre de l'échiquier politique américain, le symbole du capitalisme tremble au pays où il est pourtant roi depuis toujours.
Cela ne rebute pas les candidats républicains à la présidence, qui ont besoin d'argent pour se défendre dans des primaires que certains spécialistes annoncent plus longues que de coutume, au printemps prochain. Il en est de même pour Obama, qui ambitionne de franchir la barre mythique du milliard de dollars pour sa campagne de réélection. Le président ne pourra sans doute pas composer sans la généreuse contribution des démocrates de Wall Street s'il veut atteindre son objectif financier.
Jusqu'à récemment, les contributions étaient plafonnées à 2000 dollars par donneur et par campagne, tandis que les "political action committee" (PAC), organisations au service d'un candidat, ne pouvaient recevoir plus de 5000 dollars de la part d'un donneur. Mais depuis la décision United Citizens vs. FEC, prise en 2010 par la Cour suprême américaine, les candidats - pour n'importe quel poste électif que ce soit - peuvent profiter d'une "Super PAC". Celle-ci consiste en un organisme autorisé à collecter des fonds de façon illimitée, notamment auprès des grandes entreprises, et de l'industrie financière plus largement.
Sans surprise, c'est l'ancien homme d'affaires Mitt Romney qui mène la danse à Wall Street, avec 3,6 millions récoltés à New York durant les trois mois de juillet, août et septembre. Hier, le favori du parti de l'éléphant a enregistré le soutien de Steve Schwarzman, 64 ans, considéré comme l'un des meilleurs à Wall Street en matière de levée de fonds. Restore Our Future, la "Super PAC" de Romney, a également apporté, selon les chiffres les plus récents, au moins 12 millions de dollars à l'ancien gouverneur du Massachusetts.
Pour couronner le tout, son passé à la tête de Bain Capital, un juteux fonds d'investissement, a permis à Romney d'amasser une fortune estimée cet été à environ 260 millions de dollars. En 2008, Romney avait investi au moins 33 millions de dollars de son propre compte en banque pour financer son premier effort présidentiel. Le candidat mormon fait figure d'épouvantail dans le champ des candidats républicains, qui peinent tous à maintenir une base stable de supporters et de contributeurs.
Côté démocrate, l'appui financier proposé par Wall Street est loin d'être négligé par les équipes du président Obama. Pour l'instant, les efforts de ce dernier ne sont pas couronnés de succès, mais ce n'est pas faute d'essayer. Obama n'a récolté "que" 1,6 millions de dollars à Wall Street, contre plus de 18 millions lors de sa campagne victorieuse de 2008.
Barack Obama multiplie les attaques contre Romney et sa fortune depuis plusieurs semaines maintenant, dans l'espoir d'attirer les manifestants d'Occupy Wall Street dans les urnes. Un piège qui pourrait se retourner contre le président, dont l'adversaire, quel qu'il soit, ne manquera pas de souligner qu'il dispose lui aussi d'une "Super PAC", Priorities USA Action, et de l'appui de tout le parti démocrate.
Barack Obama dispose à l'heure actuelle d'au moins 160 millions de dollars pour mener à bien sa réélection. Bien que l'immense majorité de cet argent provienne directement des électeurs, il devra veiller à ne pas s'aliéner les plus généreux donateurs de Wall Street, qui, s'il fallait mettre la main à la poche en faveur da la "Super PAC" du candidat républicain, ne se gêneraient pas pour contribuer de façon illimitée.
Le président tente aujourd'hui de jouer sur les deux tableaux. Mais le discours anti-régulation des prétendants du parti de l'éléphant à la Maison-Blanche est propre à retourner contre Obama la puissance financière dont il avait profité en 2008. Le fait qu'Obama garde aujourd'hui ses distances avec les protestations n'a donc rien d'un hasard : pour gagner la guerre en 2012, il faudra remporter la bataille de Wall Street, qui se jouera à la fois dans les urnes et dans les portes-monnaies.