Newt Gingrich (cravate rouge), partage sa vision de la politique étrangère des Etats-Unis lors d'un débat en Caroline du Sud, le 12 novembre dernier (Photo AP)
Depuis maintenant deux semaines, la campagne de Newt Gingrich connaît un regain d'attention de la part des électeurs. C'est en tout cas ce que nous confient les instituts de sondages, qui ont délaissé Herman Cain au profit de l'ancien président de la Chambre des représentants pour jouer le rôle de "candidat anti-Romney N°1". Un statut controversé qui pourrait bientôt plonger Gingrich dans la même léthargie que connaissent aujourd'hui Bachmann ou Perry.
Les sondages sont unanimes : Gingrich est dans une bonne période car il récupère directement les électeurs qui quittent Herman Cain, accusé de harcèlement sexuel il y a trois semaines. Au niveau national, un sondage conduit par Fox News le 16 novembre donne Gingrich à 23% et Cain à 15%, contre 12% et 24% respectivement le 26 octobre dernier. Plus significatif encore, dans l'Etat-clé de l'Iowa, Gingrich devance maintenant Cain de 19%, 32% contre 13%. Le 19 octobre, les chiffres étaient de 9% pour Gingrich et 28% pour Cain.
Ces chiffres, loin d'être les seuls indices dont nous disposons aujourd'hui, montrent l'entendue des dommages que les témoignages accablants de plusieurs femmes ont fait à la candidature d'Herman Cain. Hissé au sommet des sondages à la mi-octobre, Cain avait pris le relais de Rick Perry pour personnifier la frange conservatrice du parti. Son déclin fait donc de Gingrich la nouvelle alternative à l'establishment modéré largement acquis à la cause de l'ancien gouverneur du Massachusetts Mitt Romney.
Gingrich est un des gourous les plus respectés au sein du GOP (Grand Old Party). Historien de formation, il a passé quasiment 25 ans à défendre la cause républicaine au Congrès américain. Il y a maintenant 17 ans, Gingrich était à la tête de la "révolution républicaine" qui ramenait la Chambre des représentants, démocrate depuis 1955, dans le camp de l'éléphant. En 1999, Gingrich a dû abandonner son poste de président de la Chambre (Speaker) après des soupçons de scandale et des résultats decevants lors de élections de mi-mandat de 1998.
En dépit de sa longue carrière au parti républicain, il est permis de s'interroger sur le bien-fondé de la nouvelle étiquette de Gingrich, désigné champion du Tea Party. En effet, pendant que Clinton était au bord de la destitution, Gingrich entretenait une relation extra-conjugale avec une asssitante nommée Callista, depuis devenue son épouse. La droite chrétienne qui désigne Gingrich comme son favori par défaut ne manquera pas de lui reprocher ses trois mariages ; il est étonnant de voir que l'Etat de l'Iowa, composé à 60% de chrétiens évangéliques, semble aujourd'hui pencher en faveur de Gingrich.
Par ailleurs, Gingrich Group, la société fondée par l'ancien Speaker dans les années 2000, aurait perçu 1,8 million de dollars pour des services de consulting rendus à l'agence de notation Freddie Mac, rendue très impopulaire par la crise. Enfin, alors que la réforme de la santé du président Obama est la hantise du Tea Party, le think tank de Gingrich aurait perçu 37 millions de dollars de la part de multiples compagnies pharmaceutiques pour peser sur des décisions politiques. Gingrich défendait notamment, jusqu'à mai 2011, le mandat individuel prôné par Obama et Hillary Clinton, avec qui il avait passé une alliance dans les années 1990.
Pour résumer, le pedigree de Gingrich n'est pas tout à fait celui d'un républicain des années 2000. Il reste désormais à savoir si le Tea Party, symbole de la "palinisation" du GOP, va se décider à troquer, dans maintenant 40 jours, un bilan visiblement modéré contre des talents oratoires que l'on dit de taille à rivaliser avec ceux du président Obama. Gingrich a en effet fondé son "comeback" sur des performances convaincantes en débat, tout comme John McCain l'avait fait il y a quatre ans.
Mais à la lumière de ce court retour en arrière, il apparaît que la folle remontée de Gingrich est promise au même destin que celle de Perry et de Cain si l'ancien président de la Chambre des représentants continue de courtiser les chrétiens évangéliques de l'Iowa. Sa stratégie prévoit de gagner dans le "Hawkeye State" pour ensuite frapper fort en Caroline du Sud, un autre Etat conservateur. Mais sans un bilan clairement orienté à droite, la victoire est très difficile à imaginer en Iowa.
Ainsi, il semble que si Gingrich veut remporter la nomination, il lui faudra récupérer les électeurs acquis à Romney, non ceux acquis à Cain. L'ancien gouverneur du Massachusetts étant actuellement à 40% d'intentions de votes dans le New Hampshire, qui vote en deuxième position, ce ne sera pas chose aisée. Au delà de cela, Gingrich manque d'une organisation solide dans les premiers Etats à voter, ainsi que d'un trésor de guerre conséquent, deux paramètres vitaux pour espérer bien figurer dans la course à l'investiture.