Les douze membres du "super-comité" budgétaire américain sont engagés dans une impasse (Photo : Getty Images pour CNN)
La suite de la tragédie estivale du rélèvement du plafond de la dette américaine pourrait prendre fin dès mercredi 23 novembre. Les douze membres du "super-comité" bipartisan ont quatre jours pour trouver 1.200 milliards de dollars, via des coupes budgétaires et/ou une augmentation du revenu. Mais il semble que les partis en présence ne sont pas pressés de voir les négociations aboutir.
L'été dernier, l'accord trouvé sur le relèvement du plafond de la dette américaine prévoyait la création d'un super-comité composé de six membres de chaque parti. Ce super-comité était censé laisser le temps aux démocrates et aux républicains de trouver des solutions, sur le long terme, pour freiner le rythme des dépenses de l'Etat américain. En cas d'échec, l'accord d'août 2011 prévoit des coupes arbitraires à hauteur de 1.200 milliards de dollars, soit le montant que le super-comité est censé viser. Ces réductions de fonds toucheraient immédiatement l'armée, à hauteur de 600 milliards de dollars, puis en 2013, les programmes sociaux américains, à hauteur de 600 milliards de dollars également.
Idéalement, le super-comité avait pour objectif de surpasser la barre des 1.200 milliards de dollars, afin de réduire, à l'avenir, le risque de défaut de paiement qui a déjà menacé les Etats-Unis. Cependant, non seulement ce montant ne sera sans doute pas atteint, mais certains n'hésitent déjà pas à avancer que le super-comité se contentera des coupes automatiques.
Il est difficile de jeter le blâme sur les démocrates. Le parti de l'âne ne cesse de proposer de nouvelles coupes budgétaires en échange d'une augmentation des impôts sur les plus fortunés, mais les républicains s'opposent résolument à toute hausse des prélèvements obligatoires. En septembre, le président Obama est allé jusqu'à proposer un plan de 3.000 milliards de dollars comprenant 1.500 milliards de dollars de coupes et 1.500 milliards de dollars d'impôts sur les personnes gagnant plus d'un million de dollars par an. Une proposition balayée d'un revers de main par Jeb Hensarling (R-TX), co-président du super-comité.
Les membres des comités bipartisans américains sont habituellement choisis parmi les figures les plus conciliantes de chaque parti. Mais comme l'an dernier, au moment du comité Simpson-Bowles, chaque camp a envoyé ses plus brillants émissaires pour défendre la cause du parti, non pour trouver un accord. Patty Murray (D-WA), co-présidente du super-comité, a par exemple mené la campagne mordante des démocrates lors des élections de mi-mandat de l'an dernier. Il est improbable qu'elle cède aux demandes d'un parti républicain aujourd'hui inbu de l'extrémisme du Tea Party.
Les républicains semblent en position de force car les coupes automatiques les préservent de l'abandon de leur plus grand leitmotiv : l'augmentation des taxes. Mais côté démocrate, on se satisfait des propositions avancées par le président Obama, qui mettent le parti de l'âne à l'abri d'un point de vue électoral. De plus, la réduction des dépenses du Département de la Défense leur permet de se démarquer plus encore de leurs adversaires républicains. Vendredi, le candidat du GOP (Grand Old Party) à la présidentielle Mitt Romney a évoqué à ce sujet "une solution absolument inacceptable".
Laisser mourir le super-comité et opter pour les coupes automatiques a été spécialement prévu, en août dernier, pour que les deux partis gagnent du temps et conservent, autant que faire se peut, la confiance des marchés. L'agence de notation Moody's a déclaré début novembre que la note des Etats-Unis n'était pas en danger après le 23 novembre, du fait de l'existence du "plan B" de 1.200 milliards de dollars. Il n'est ainsi nul besoin pour les membres du Congrès de lutter pour trouver un accord plus significatif.
A un an de l'élection générale de 2012, les grandes décisions ne sont pas bonnes à prendre, car risquées électoralement. C'est pour cette raison que Barack Obama voit son plan pour l'emploi démonté pièce par pièce par le Congrès. Et pendant ce temps, les coupes automatiques arrangent les deux partis. En somme, comme le titrait jeudi Paul Krugman, fer de lance de la gauche américaine, dans son éditorial au New York Times : "L'échec, c'est bien" ("Failure is good").