Avec la perte de la Chambre des Représentants, Obama a le choix entre la collaboration avec les Républicains et la défense de ses réformes (santé, finance, environnement, entre autres) qui, contradictoirement, figuraient toutes deux dans son programme de 2008. Le consensus, bien loin d’être une utopie électorale, est de moins en moins bien toléré par le Congrès. Pour le président, l’enjeu est donc de taille, à deux ans d’une élection présidentielle souvent influencée par le résultat des ‘midterms’ précédentes.
A première vue, il semble que le parti présidentiel, à la Chambre, se recroqueville : le camp démocrate ne souhaite visiblement pas se renouveler, puisque ses trois figures principales (Pelosi, Hoyer et Clyburn), qui vont toutes vers leurs 71 ans, ont été conservées à leur poste. Au-delà de l’inquiétude que suscite déjà l’absence de figures notables au sein de la nouvelle génération démocrate, cette tendance révèle que, les pertes étant à dénombrer essentiellement parmi les centristes, le clan ‘liberal’ est en position de force. Son leader, Nancy Pelosi, qui devra céder le Speakership à John Boehner le 3 janvier, était de facto intouchable étant donné sa capacité à lever des fonds pour les candidats démocrates1.
Côté républicain, on ne montre guère d’impatience à collaborer avec le président, tant les deux leaders principaux, Boehner à la Chambre et McConnell au Sénat, ont clairement souligné leur volonté de mettre des bâtons dans les roues d’Obama2. Comme en 1995, le G.O.P. fait un retour en force au Congrès, bien que dans une moindre mesure3. Cela fait craindre à Obama une présidence similaire à celle de Bill Clinton, qui avait dû gouverner six ans avec deux chambres républicaines. A en juger par la popularité actuelle de l’ancien gouverneur de l’Arkansas, celui-ci n’en s’en sera pas trop mal sorti, gouvernant à coups de veto dans un contexte économique favorable. Ainsi, les élections de mi-mandat de 1994 ne l’avaient pas empêché de remporter aisément un second mandat deux années plus tard.
La situation actuelle amènera sans doute Obama à adopter la même posture défiante que Clinton, abandonnant ses promesses de bipartisme. Le quarante-deuxième président n’avait pas cédé un pouce aux revendications républicaines4, et bien lui en a pris. L’espoir subsiste de voir des consensus émerger, comme le prouve les discussions actuelles relatives au taux d’imposition des classes moyennes. Pourtant, sur le long terme, il y a fort à parier que les accords seront rares sur les sujets majeurs, entre deux partis de plus en plus idéologiquement fracturés. Il y a quelques décennies déjà, le président Truman s’était appuyé sur sa collaboration avec un Congrès républicain pour assurer sa réélection. Cette stratégie lui était permise par le contexte politique international et les positions proches des deux partis sur des sujets sociaux clés. Avec le G.O.P. qui va actuellement jusqu’à tenter de bloquer la ratification du nouveau traité START, pourtant capital pour le pays, les promesses de bipartisme d’Obama s’envolent.
Au-delà d’un objectif de campagne intelligemment mis en pratique début 2009 (conserver Robert Gates à la Défense, notamment), le bipartisme est en mauvaise posture. Socialement, les droits civiques des années 1960 et l’ascension de la droite chrétienne des années 2000 rendent tout consensus très difficile. Economiquement, ce sont le New Deal et les « Reaganomics » qui ont contribué à diviser profondément les deux groupes, au sein d’un pays aujourd’hui fracturé. En dépit de la volonté de fer affichée en 2008, Obama ne peut, seul, inverser cette tendance.
Au sein d’un régime qui requiert de la souplesse du fait de sa non-séparation des pouvoirs, les accords ne se feront sans doute que sur des enjeux mineurs, pendant que la régulation financière demeure insuffisante, la réforme de la santé menacée, et les normes environnementales inexistantes. Ne pouvant lutter contre la fracture idéologique entre républicains et démocrates, Obama doit penser à 2012 et adoptera sans doute à grand regret la même posture que Clinton, à défaut de pouvoir prendre celle de Truman. Cela reste dommageable, étant donné qu’il est acquis que sa réélection dépend bien plus de la personnalité républicaine qu’il affrontera dans deux ans que des lois qu’il fera passer5. Quoi qu’il en soit, l’application de son programme sera officiellement devenue impossible après le 3 janvier 2011.
Le résultat des ‘midterms’ rapidement éclipsé, le président devra batailler ferme pour conserver sa majorité au Sénat dans deux ans : le parti démocrate devra défendre 21 sièges, tandis que les républicains n’auront à se soucier que de dix sièges. Sans compter que, les renversements brusques à la Chambre étant rares dans l’histoire6, la majorité que possède le G.O.P. (la plus large depuis 1938) devrait lui permettre de priver durablement les démocrates du contrôle du gouvernement, si Obama venait à être réélu en 2012.
1- Nancy Pelosi, Représentante du 8ème district de Californie, possède la troisième fortune du 111ème Congrès.
2- Mitch McConnell, le 4 novembre dernier : “Our top political priority over the next two years should be to deny President Obama a second term in office”.
3- En janvier 1995, les Républicains s’étaient emparés des deux chambres du Congrès.
4- En 2007, il a déclaré aux dirigeants démocrates, évoquant sa propre expérience : "If you can't get a dollar and you can get a dime, take a dime every time".
5- Le 22 novembre dernier, un sondage Quinnipiac a montré qu’Obama s’inclinerait face à Mitt Romney (45% contre 44%), tandis qu’il battrait aisément Sarah Palin (48% contre 40%).
6- Depuis 1855, la Chambre des Représentants change de camp tous les dix ans environ, contre 8 ans au Sénat. Depuis 1949, les chiffres sont de 21 ans à la Chambre, et 7 ans au Sénat.