Le favori pour la nomination républicaine, Mitt Romney, est tout sourire aux côtés de ses supporters à Davenport, Iowa, le 2 janvier 2012
A moins de vingt-quatre heures des résultats des caucus de l'Iowa, Mitt Romney est sur orbite pour la victoire dans le premier scrutin présidentiel de 2012. Si les sondages disent vrai, il semble que seuls le libertarien Ron Paul et le conservateur Rick Santorum soient en mesure de le priver de la première place. Or, celle-ci pourrait être synonyme de nomination, car ses adversaires ont besoin d'enrayer d'entrée de jeu la formadable machine électorale mise en place par Romney, sous peine de voir l'ancien gouverneur du Massachusetts s'échapper définitivement.
Hier en Iowa, Mitt Romney transpirait la confiance. Pour un candidat dont la presse critique souvent le manque de charisme, l'ancien homme d'affaires s'est exprimé avec ferveur devant plus de 300 personnes à Davenport : "Cette élection est un choix capital à faire entre deux chemins que peut emprunter l'Amérique (...) L'âme de notre pays est en jeu."
Preuve de cette confiance suprême, seulement à demi-avouée ("We are going to win this thing"), Mitt Romney n'a pas une seule fois mentionné le nom de ses adversaires, se contentant, comme il l'a fait pendant la majeure partie de 2011, de tirer à boulets rouges sur le bilan du président Obama : "Notre nation promeut l'entreprenariat, mais je crois que le président veut de faire de nous un Etat-providence à l'européenne, une nation au sein de laquelle tout vous est offert, où le rôle de l'Etat n'est pas de nous laisser notre liberté et notre droit à l'épanouissement, mais plutôt de prendre aux uns pour donner aux autres, tout cela au nom de l'égalité."
Ne passant outre aucune note patriotique, Romney cite à foison des passages de célèbres poèmes américains mais ne délivre que rarement des indications sur ce qu'il ferait, concrètement, s'il en venait à être élu en novembre 2012. Il n'évoque que des thèmes populaires au sein du Midwest iowan, de la lutte contre la nucléarisation de l'Iran à la guerre commerciale contre la Chine, sans oublier la nécessité de se débarrasser, dès le premier jour de son mandat, de l'impopulaire plan de couverture-santé universelle du président Obama.
Cette dernière question résume à elle seule l'admirable tour de force que Mitt Romney est sur le point de réaliser. Si demain, les dernières tendances des sondages se confirment et qu'il devance Ron Paul et Rick Santorum, alors le modéré Romney se sera imposé dans un Etat à tendance très conservatrice. A priori hostile à un mormon venant du Massachusetts, l'électorat de la droite chrétienne est sur le point de voir un homme ayant promulgué dans un son Etat un plan de santé similaire à celui d'Obama l'emporter sur ses terres.
En 2008, les chrétiens évangélistes composaient 60% de l'électorat iowan lors des caucus, un chiffre qui sera sans doute orienté à la baisse ce soir. Cela fait bien évidemment les affaires de Romney, qui compte sur la participation d'un nombre maximal d'électeurs de centre-droit pour le conduire à la victoire. Surtout, le nombre réduit de chrétiens fondamentalistes qui voteront ce soir devront trancher entre quatre candidats qui courtisent leur vote : Newt Gingrich, Rick Perry, Michele Bachmann et Rick Santorum.
Du fait du fractionnement de la droite chrétienne, aucun des candidats conservateurs ne pourra réitérer l'excellente peformance de l'ancien pasteur Mike Huckabee, qui en 2008 avait recueilli plus de 40.000 voix sur son nom (35%). Rick Santorum, le mieux placé dans les sondages, ne peut espérer finir fort que s'il parvient à arracher des voix des mains de Gingrich, Bachmann et Perry.
Quant à Ron Paul, il profite lui aussi de la division des conservateurs et attire tous les électeurs libertariens du Parti républicain. Par ailleurs, les Iowans ont la possibilité de changer leur affiliation aujourd'hui même, permettant à de nombreux indépendants de voter lors des caucus. Selon le dernier sondage du journal Des Moines Register, Ron Paul domine très largement ses adversaires dans cette tranche de l'électorat. Cependant, il semble en perte de vitesse : mardi dernier, 29% des électeurs penchaient pour Ron Paul, mais vendredi, ils n'étaient plus que 16% à déclarer vouloir voter pour lui le 3 janvier.
Au milieu d'un champ de candidats remarquablement divisé, Mitt Romney pourrait, grâce à une victoire inattendue en Iowa, "tuer le match" d'entrée de jeu. Les primaires durent six mois aux Etats-Unis, ce qui réclame à la fois une organisation considérable et des fonds importants. Or, seul Romney dispose de toutes les cartes entre ses mains, travaillant sans relâche, depuis plus de cinq ans, pour bâtir une infrastructure suffisamment solide pour lui ouvrir les portes de la Maison-Blanche.
La seule chance des conservateurs de le stopper est de s'unir derrière un unique candidat qui pourrait incarner une alternative crédible. Les premiers Etats à voter (Iowa, New Hampshire, Caroline du Sud et Floride) servent toujours à dégager les deux ou trois tendances dominantes du parti, incarnées chacune par un candidat. L'étiquette de conservateur N°1 devrait revenir à Santorum après le 3 janvier, mais sachant que Gingrich, Bachmann et Perry ont tous trois des meetings prévus jusqu'en Caroline du Sud, qui vote le 21 janvier, Mitt Romney peut dormir sur ses deux oreilles : l'électorat de la droite chrétienne n'est pas près de raisonner.