Perry serre les poings pour marquer un argument à Rochester (MI), le 9 novembre 2011 (Photo Reuters)
De toute évidence, ce sera la seule et unique chose dont on se souviendra, dans quelques semaines, lorsque l'on évoquera le débat de novembre dans le Michigan. L'impressionnant trou de mémoire de Rick Perry, incapable de se souvenir du nom d'un programme fédéral, est venu confirmer aux électeurs la capacité du gouverneur du Texas à enchaîner les gaffes. Pendant ce temps-là, Herman Cain passe entre les gouttes et Mitt Romney se frotte les mains.
Les amateurs de débats virulents ont été déçus hier soir. Ce débat ressemblait beaucoup à ceux qui marquent habituellement le début de la campagne des primaires, qu'elles soient démocrates ou républicaines : consensuel et acerbe envers le parti qui tient la Maison-Blanche. Aucun candidat n'a tenté de profiter de l'affaire Cain, encore largement à éclaircir. Hier, il s'agissait plutôt de prendre la température avant d'aborder la dernière ligne droite.
Comme prévu, Herman Cain n'a pas échappé aux questions chaudes. L'occasion pour lui de se défendre avec vigueur, comme il l'a fait ces derniers jours, en niant toute accusation de harcèlement sexuel contre lui : "Le peuple américain mérite mieux que quelqu'un que l'on traîne devant la justice de l'opinion publique. Je tiens à mes convictions et à mon intégrité plus qu'à tout autre chose, et pour chaque personne qui émettra une fausse accusation, il y en a des milliers qui diront : 'Aucune activité de cette sorte n'a pu provenir d'Herman Cain'".
Ainsi, après 21 minutes de débat, Herman Cain s'était acquis les faveurs du public, qui a vivement applaudi sa réponse. Par la suite, il s'est contenté de jouer sur la défensive. Tout juste s'est-il aventuré à parler de Nancy Pelosi, la chef de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, comme de la "Princesse Nancy". Des termes assez peu réfléchis pour quelqu'un qui est accusé de harcèlement sexuel, et sur lesquels il est publiquement revenu une fois le débat terminé.
Si le public était bien derrière un candidat, hier soir, c'était le local Mitt Romney. L'ancien homme d'affaires est né dans le Michigan et son père fut gouverneur de l'Etat de 1963 à 1969. A la manière des quelques mèches qu'il a laissé dépasser de sa coiffure habituellement impeccable, Romney s'est montré plus relâché lors de la joute répulicaine d'hier soir, la dixième de l'année. Encore une fois sérieux et calme, il a livré des réponses très convaincantes lorsqu'interrogé sur la crise italienne ou le plan de relance d'Obama.
Pour ce qui est du reste de l'opposition aux candidats les mieux placés, seul Newt Gingrich s'est montré en bonne forme, toujours très critique à l'égard du président et des médias. Chose qui n'a pas plus à la modératrice de CNBC, avec laquelle il s'est engagé verbalement et de façon fort peu courtoise. Un sondage Rasmussen conduit hier en Floride le montre en troisième position, ce qui le place en embuscade au cas où Cain devait tomber sous les accusations, dans les jours à venir.
On retiendra peut-être le débat d'hier soir comme celui qui a formellement mis fin à la candidature de Rick Perry. Le Texan espérait confirmer son regain de forme et relancer sa campagne dans le Michigan. Son staff se plaisait à répéter qu'il avait un plan anti-Romney, contre lequel de vigoureuses attaques étaient prévues. De cela, il ne fut rien d'autre que la léthargie à laquelle Perry nous a habitués depuis maintenant six débats.
Le seul moment marquant de sa performance d'hier fut un vide complet de 43 secondes lors desquelles, en direct à la télévision nationale, Rick Perry a lutté pour se souvenir du nom d'une agence fédérale. "Je vais vous dire : il y a trois agences qui disparaîtront aussitôt que j'arrive [à la Maison-Blanche] : Commerce, Eduaction et... C'est laquelle, la troisième ? Voyons cela. [...] La troisième agence dont je me débarasserais serait l'Education, le... Commerce, et, voyons un peu... Je ne peux pas. La trosième, je ne peux pas se souvenir. Désolé. Oups."
Les frasques de Rick Perry et de Gingrich en débat, ainsi que celles de Cain en dehors, nous offrent de précieux enseignements sur l'état de la course, à défaut de nous fournir des luttes rhétoriques intenses. Romney est peut-être en train, débat après débat, d'annihiler tous les défauts que les électeurs républicains voient en lui depuis maintenant cinq ans. Comme le rapelle ce matin Roger Simon, du journal Politico : "Les républicains tombent sous le sens et les démocrates tombent amoureux". En 2008, les démocrates sont tombés amoureux de Barack Obama. Et à défaut d'une opposition crédible, dans deux ou trois mois, la nomination de Mitt Romney pourrait bien finir par faire sens pour les républicains.