2 janvier 2013 3 02 /01 /janvier /2013 08:19

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John Boehner, président républicain de la Chambre des représentants, le 21 décembre 2012 (J. Scott Applewhite/AP/SIPA)

 

 

 

La situation que vivent actuellement les Etats-Unis avec ce "mur budgétaire" imminent s'apparente à un jeu de rôle absolument fascinant. Pour bien la comprendre, il est capital de saisir que l'enjeu n'est pas tant économique que politique. Un tiers des sénateurs joue sa réélection en 2014. Et parmi eux, une dizaine de républicains pour qui l'impôt est une hantise.

 

 

Qu'ils soient démocrates ou républicains, les sénateurs américains chargés de régler la question du "mur budgétaire" veillent avant tout à leur intérêt personnel. Chacun joue sa réélection dans son propre Etat. Aux Etats-Unis, le chef de la majorité au Sénat a moins de pouvoir qu'en France, car il y a moins de solidarité parlementaire, les sénateurs étant plus indépendants que chez nous.

 

En 2014, un tiers du Sénat américain va être renouvelé. Les sénateurs démocrates concernés se trouvent dans des États traditionnellement républicains, ils ont donc tout intérêt à se placer sur une ligne centriste, pour se rapprocher de l'électorat à tendance traditionnelle. Leurs opposants républicains, quant à eux, sont élus dans des Etats déjà clairement républicains. Ils auront donc tout intérêt à rester sur une ligne dure, pour ne pas risquer de voir émerger des challengers plus à droite qu'eux, bénéficiant du soutien du Tea Party et des grands financiers opposés à l'impôt.

 

Les républicains n'ont donc aucun avantage à trouver un deal avec les démocrates. S'ils le font, leurs électeurs leur tourneront le dos. Et finalement, c'est une petite minorité d'une dizaine d'élus républicains qui bloque le processus de négociation sur le "mur budgétaire".

 

 

Les républicains sont traditionnellement opposés à l'impôt, dont ils n'ont pas voté de hausse depuis 1990. C'est un problème majeur, car une politique fiscale est faite pour être adaptée au climat économique d'un pays. 

 

La ligne de Barack Obama, c'est de dire que même en période de crise, les Américains les plus riches peuvent payer davantage, avec pour objectif de résorber la dette. Mais pour les républicains, l'impôt est une entrave à la liberté économique et donc un frein à la croissance.

 

Ainsi, l'imposition à 39,6% des revenus supérieurs à 250.000 dollars par an proposée par Obama, même si elle n'a pas un impact économique démesuré, est refusée par les républicains. John Boehner, leur chef à la Chambre, a tenté une concession ces derniers jours en proposant une taxation pour les revenus supérieurs à un million de dollars. Même cela, il n'a pas réussi à le faire passer auprès de son camp. Étant entendu que son poste de président de la Chambre (Speaker) est remis en cause le 3 janvier 2013, on peut imaginer qu'il n'a pas poussé l'effort trop loin.

 

 

Dans ces conditions, les démocrates préfèrent foncer dans le mur (budgétaire) pour pouvoir accuser ensuite les républicains d'avoir plongé le pays dans l'impasse.  Ils n'auront pas tout à fait tort.

 

Ce qu'on peut vraisemblablement imaginer, c'est que les démocrates vont proposer un accord a minima, qu'ils soumettront d'abord au Sénat, où ils ont la majorité, puis seulement après à la Chambre des représentants. A ce moment-là, deux scénarios possibles : soit les républicains votent le texte, soit ils le rejettent et le pays plongera dans un "précipice budgétaire", avec hausse d'impôt et coupes dans le budget automatiques.

 

Dans les deux cas, les républicains seront perdants. Mais Barack Obama le sera aussi si le second scénario advient : le PIB des États-Unis reculera de 0,5 % en 2013 et le taux de chômage passera de 7,7% à 9,1 % (chiffres du CBO).

 

 

Propos recueillis par Hélène Decommer, du Plus du Nouvel Observateur. Article paru le 31 décembre 2012. 

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