Mitt Romney, accompagné par son épouse Ann, a reçu hier le soutien du milliardaire Donald Trump à Las Vegas (Photo Ethan Miller / Getty Images)
La religion de Mitt Romney a souvent été décriée au cours de la campagne des primaires républicaines de 2012. Mais à la veille des caucus du Nevada, qui lancent un mois de février capital en vue du "Super Tuesday" du 6 mars, ce qui a été peint à maintes reprises comme sa plus grande tare pourrait se révéler être un précieux avantage. Voici pourquoi.
Si les médias semblent attacher moins d'importance aux caucus du Nevada, en comparaison de l'effervescente primaire de Floride, c'est qu'ils recèlent de bien moins de suspense : sauf séisme, Mitt Romney remportera demain le premier scrutin de l'ouest des Etats-Unis. Les deux derniers sondages en date, livrés par les instituts Cannon Survey Center et Public Policy Polling donnent une avance de 20 à 25% au candidat mormon sur son plus proche rival, l'ancien Speaker Newt Gingrich.
L'effet de la victoire en Floride y est pour beaucoup, en cela qu'elle a offert à Romney une première victoire de prestige ainsi qu'un premier écart notable - à défaut d'être encore significatif - dans le décompte des délégués. Surtout, elle lui a permis d'attirer tous les indécis qui, en cas de victoire de Gingrich dans le "Sunshine State" mardi dernier, auraient donné à ces derniers sondages un tout autre aspect.
Mais Romney a depuis longtemps compté sur le Nevada comme étant une place sûre pour lui en raison de la proportion importante de mormons dans l'Etat. Selon les chiffres officiels, seulement 5,6% de la population du "Silver State" est mormone. Mais ce chiffre est suffisamment important pour peser sur le scrutin d'aujourd'hui : en 2008, 26% des électeurs ayant participé aux caucus du Nevada étaient mormons.
Plus significativement, 95% de ces électeurs mormons avaient opté pour Mitt Romney en 2008, lui offrant une victoire de presque quarante points sur Ron Paul - 51% contre 14%. Comme le notait hier Chris Cillizza, du Washington Post, la moitié du vote Romney dans le Nevada provenait en 2008 d'électeurs mormons - une proportion à elle seule suffisamment importante pour lui permettre de remporter les caucus haut la main.
Au delà du Nevada, la combinaison de l'enchaînement des victoires et de "l'effet mormon" pourrait jouer à plein en faveur de Mitt Romney mardi prochain, quand le Colorado tiendra à son tour ses caucus. Le "Centennial State", voisin de l'Utah, l'Etat de référence des mormons aux Etats-Unis, ne comporte que 2,8% d'adhérents à l'"Eglise des Saints des Derniers Jours". Une proportion néanmoins suffisamment importante pour apporter un solide appui à Romney.
Preuve en est, en 2008, l'ancien gouverneur du Massachusetts l'a emporté avec 42% d'avance sur l'ultra-favori et futur nominé John McCain (60% contre 18%), faisant sienne la totalité des 43 délégués mis en jeu dans l'Etat. En l'espace de trois jours, Romney a donc la possibilité de remporter coup sur coup deux larges victoires et de creuser un peu plus l'écart avec Gingrich en termes de délégués.
Les paramètres seront peu ou prou similaires le 28 février lorsque l'Arizona, conjointement avec le Michigan, tiendra ses primaires. En 2008, lors des primaires de l'Arizona, Etat situé au sud du Nevada et de l'Utah, 11% des électeurs étaient mormons et ceux-ci ont voté pour Romney à 88%. La règle "tout au vainqueur" définissant le scrutin du "Grand Canyon State", l'impact de la victoire y sera déterminant, une semaine seulement avant le crucial "Super Tuesday" du 6 mars.
A eux trois uniquement, les Etats à forte minorité mormone que sont le Nevada, le Colorado et l'Arizona attribuent 93 des 187 délégués mis en jeu au cours du mois de février. Une proportion non négligeable qui, au delà des chiffres, compte surtout de par l'avantage psychologique qu'apporte l'enchaînement des victoires. Financièrement, cela signifie aussi que Romney aura moins à investir dans ces Etats et pourra plus aisément concentrer ses forces sur le Super Tuesday.
Ce clair avantage pourrait tout aussi bien revenir hanter l'ancien homme d'affaires par la suite. Il serait en effet facile pour Newt Gingrich, voyant Romney prendre une avance irrémédiable, de tenter le tout pour le tout en critiquant systématiquement la religion de son rival. Dans l'élan de populisme qu'il s'efforce de lancer depuis la Caroline du Sud, une attaque en règle contre l'Eglise mormone aurait sans aucun doute le potentiel de déboulonner la trajectoire directe de Romney vers la nomination républicaine.
Cela serait largement perçu comme un coup sous la ceinture, mais qu'importe : l'analyse des scrutins à venir montre que Gingrich est en très mauvaise posture. Forcé par le désespoir, il devra faire un choix entre l'arme nucléaire ou la défaite. Sa réaction après sa contreperformance en Floride montre qu'il n'a rien perdu de toute sa détermination : reste à savoir s'il tentera de retourner contre Romney son plus grand avantage pour le mois de février.
En décembre 2007, Romney semblait déjà filer vers la nomination avec, cette année-là, une victoire annoncée en Iowa qui lui aurait grand ouvert les portes de l'investiture. A un mois du début des primaires, ses adversaires, Mike Huckabee en tête, s'étaient livrés à une grande offensive de préjugés contre l'Eglise mormone. Avec le résultat que l'on connaît.