Lorsque Mitt Romney est arrivé en Floride dimanche dernier, il possédait dix points de retard sur Newt Gingrich. La tendance est toute autre à moins de vingt-quatre heures du scrutin (Photo Charles Dharapak / AP)
Sauf séisme, Mitt Romney remportera demain la primaire tant convoitée de Floride. Le quatrième Etat à voter attribuera la totalité de ses 50 délégués au vainqueur (winner-takes-all), ce qui pourrait être un tournant dans la course à la nomination républicaine. En gagnant dans le "Sunshine State", Mitt Romney s'assurerait-il définitivement un duel contre le président Barack Obama ?
A en croire les derniers sondages, délivrés aujourd'hui par les instituts Suffolk University et Quinnipiac, Mitt Romney disposerait d'une avance de 14 à 20 points sur Newt Gingrich à la veille de la primaire de Floride. A moins d'un miracle, Newt Gingrich est en passe de subir une défaite au moins aussi large que celle qu'il avait infligée à son rival en Caroline du Sud, il y a dix jours de cela.
Pourtant, un tel écart dans les résultats ne doit pas faire oublier qu'il y a tout juste une semaine, Mitt Romney abordait de façon très défavorable la primaire de Floride. Grâce à sa victoire en Caroline du Sud, Gingrich s'est, de prime abord, attiré la sympathie de tous les électeurs indécis du "Sunshine State" : lundi dernier, son avance dans les sondages était comprise entre 6 et 10 points.
En somme, on assite aujourd'hui à la réalisation inverse du scénario de la primaire de Caroline du Sud. Il y a trois semaines, Romney s'avançait avec beacoup de confiance vers la Caroline du Sud grâce à sa victoire convaincante dans le New Hampshire. Il a été rejoint dans les cinq derniers jours par Gingrich, finalement vainqueur de la primaire du "Palmetto State" par 12 points d'écart.
Comme Gingrich il y a dix jours, Romney est parvenu à inverser la tendance grâce à deux performances solides en débat, en milieu de semaine dernière. D'habitude très à l'aise dans cet exercice, Gingrich a plié face à un adversaire déterminé, qui se savait alors au pied du mur. Un avantage financier considérable a fait le reste : Mitt Romney et ses comités de soutien ont dépensé plus de 15 millions de dollars en Floride, lorsque Gingrich n'a pas pu passer la barre des 4 millions de dollars.
Grâce à cet argent, Romney a eu l'avantage sur les ondes de Floride : ses spots télévisés ont notamment mis l'accent sur le passé tumultueux de Newt Gingrich à la Chambre des représentants, dont il fut le premier président (Speaker) sanctionné pour violations d'éthique, et ce en plus de 200 ans d'existence de la chambre basse américaine.
Romney a également pu compter sur les renforts apportés par le populaire sénateur républicain de l'Etat, Marco Rubio, ainsi que de l'ancien gouverneur de Floride et frère du 43ème président des Etats-Unis, Jeb Bush. Lorsque Gingrich proposait jeudi dernier de fonder une colonie américaine sur la Lune, c'est John McCain, nominé du parti pour la présidentielle de 2008, qui volait au secours de Mitt Romney : "Je pense que l'on ferait mieux d'envoyer Newt Gingrich sur la Lune et Mitt Romney à la Maison-Blanche".
La question qui, au sortir de la Floride, retiendra l'attention des équipes de campagne des quatre candidats encore en course est la suivante : Romney pourra-t-il, contrairement à ce qu'il s'est passé après la primaire du New Hampshire, garder suffisamment d'élan médiatique pour enchaîner les victoires et rapidement clore les débats ? A en croire les observateurs, cela est fort probable.
L'Etat qui vote après la Floride est le Nevada. Situé dans l'ouest du pays, le "Silver State" tiendra ses caucus seulement quatre jours après la primaire de demain. Ce laps de temps très réduit laisse peu de marge à Newt Gingrich pour séduire les électeurs indécis, à coup sûr convaincus par ce qu'on annonce déjà comme une écrasante victoire de Romney en Floride.
Pour ne rien arranger aux affaires de l'ancien Speaker, le Nevada comporte une portion non-négligeable d'électeurs mormons, susceptible de voter pour le champion de leur Eglise. Surtout, Romney est déjà très connu dans un Etat dans lequel il a déjà fait campagne en 2008 : il y a quatre ans, l'ancien gouverneur du Massachusetts s'est imposé de près de quarante points dans le Nevada.
L'effet boule de neige est susceptible de se poursuivre la semaine prochaine, puisque le Missouri, le Colorado, le Minnesota et le Maine tiendront leurs caucus en l'espace de quelques jours. Le format des caucus demande déjà beaucoup plus d'organisation et d'investissement qu'une primaire classique, ce qui est à mettre à l'avantage de Romney. De surcroît, dans ces trois derniers Etats en particulier, Romney s'est déjà imposé en 2008.
Au-delà de l'enchaînement rapide des primaires, qui aide grandement le candidat qui a déjà l'ascendant sur les autres, l'absence de débat jusqu'au 22 février prive Newt Gingrich de sa plus grande arme pour renverser la situation. Avant son "comeback" en Caroline du Sud, Gingrich s'était déjà appuyé sur ses qualités de débatteur, à l'automne dernier, pour revenir en force après un été difficile qui avait vu son staff déserter en masse.
A supposer que Gingrich surclasse Romney sur la scène télévisée nationale dans trois semaines, trois inconnues subsisteront quant à ses chances de victoire. Premièrement, Romney n'aura-t-il pas enfin rallié tout le parti autour de lui, si bien que la candidature de l'ancien Speaker semblerait désespérée ? Deuxièmement, Gingrich aura-t-il les moyens financiers pour tenir tête à Romney aussi longtemps ?
Surtout, troisièmement, et malgré l'importance cruciale qu'ont eu les débats cette année, Gingrich pourrait-il relancer sa campagne en Arizona et dans le Michigan, le 28 février prochain, deux Etats qui semblent clairement pencher vers Mitt Romney ?
Dans le premier, l'Arizona, Mitt Romney possède le soutien du sénateur John McCain, nominé du Parti républicain en 2008. Comme pour les caucus ayant lieu plus tôt dans le mois, il pourra compter sur la communauté mormone présente dans l'Etat pour lui donner un coup de pouce.
Le même jour que l'Arizona s'exprimera le Michigan, un Etat du Nord dans lequel le représentant de Géorgie (Sud) que fut autrefois Newt Gingrich devra se défendre sur des thèmes économiques, le point fort de Romney. Surtout, Romney est un natif du "Wolverine State" et son père, George Romney, y a été gouverneur de 1963 à 1969.
Malgré un écart de deux semaines entre les caucus du Colorado, du Minnesota, du Maine et du Missouri d'une part, et les primaires de l'Arizona et du Michigan d'autre part, Mitt Romney pourrait garder l'avance acquise en Floride suffisamment longtemps pour se projeter vers le Super Mardi du 6 mars. Ce jour-là, une dizaine d'Etats voteront en même temps et distribueront plus de 600 délégués sur les 1144 nécessaires pour remporter l'investiture du parti de l'éléphant.
Dans un tel scénario, l'importance d'une victoire en Floride est capitale, puisqu'elle est une rampe de lancement indispensable vers les scrutins du février. Pour autant, de nombreux doutes subsistent encore autour de Romney, tant est si bien que le "Sunshine State" pourrait agir comme un coup de tonnerre plutôt qu'un couronnement annoncé. L'objectif de Mitt Romney sera alors de convaincre définitivement les électeurs d'un parti en plein doute qu'il est le seul candidat capable de battre Barack Obama.