Le ton monte entre Romney, cravate bleue, et Perry, cravate rouge (Reuters)
Le cinquième débat en 50 jours, hier à Las Vegas (NV), a vu Rick Perry s'en prendre aggressivement à l'ancien homme d'affaires Mitt Romney. Tombé très bas dans les sondages après quatre performances très moyennes, le gouverneur du Texas n'avait pas d'autre choix que de passer à l'offensive pour raviver sa candidature. A court de solutions, Perry s'en est remis au bon vieil artifice de l'attaque personnelle.
Pour sûr, celle-ci a été bien préparée. Rien ne laissait présager d'une telle estocade quand Perry a répondu à une question sur l'immigration illégale de façon musclée : "Ils viennent ici parce que le gouvernement fédéral n'a pas été capable de sécuriser cette frontière [américano-mexicaine, NDLR] et parce qu'ils sont attirés par nos emplois. Les personnes qui emploient ces immigrants illégaux doivent être pénalisées". Un bilan approuvé du regard par Romney. Puis le gouverneur du Texas s'est tourné vers le candidat mormon, situé à sa droite, pour lui lancer : "Mitt, pour moi, vous perdez toute crédibilité sur le sujet parce que vous avez embauché des immigrants illégaux pour votre propre maison. Pendant une année entière, vous saviez qu'ils ne devaient pas être là. Le fait que vous vous teniez ici, devant nous, en vous vantant de la solidité de votre politique en la matière, c'est le sommet de l'hypocrisie".
S'en est suivi un vif échange entre les deux hommes. Au delà de l'attaque, Romney a semblé davantage contrarié par le fait que Rick Perry n'a pas respecté le temps de parole de trente secondes imparti pour sa réponse. Hué par le public du Nevada, acquis à la cause de l'ancien gouverneur du Massachusetts, Perry a dû laisser son adversaire répondre. Romney a nié savoir que ses employés n'avaient pas de papiers valides au moment de leur embauche. Surtout, il a rappelé que l'Etat du Texas, sous la gouvernance de Perry, avait connu une augmentation du nombre immigrés illégaux à hauteur de 60%.
Le regard des deux hommes, plus que leurs mots, en disait long sur l'intensité de leur rivalité. Après le débat, Ann Romney, l'épouse de l'ancien homme d'affaires, a même parlé d'"animosité" entre les deux favoris. Selon le porte-parole de Romney, Eric Fehrstrom, "la stratégie de Rick Perry, c'était de participer à ce débat pour tuer Mitt. Je crois qu'il a fini par se tuer lui-même". Dans une campagne où il suffit de faire parler de soi pour prendre la tête des sondages, Perry est d'ores et déjà assuré que son idée était la bonne. En revanche, s'en prendre à Romney dans le Nevada, un bastion mormon de l'ancien gouverneur du Massachusetts - en 2008, il s'est imposé avec 40 points d'avance dans cet Etat - était plutôt maladroit.
A 75 jours des premiers votes dans l'Iowa, cette attaque sonnait déjà comme un baroud d'honneur pour le gouverneur du Texas. Elle a nourri les opinions des spécialistes selon lesquels Perry a été meilleur que d'habitude en débat. Certains, plus railleurs, le félicitent de ne pas s'être endormi. Mais pour beaucoup d'observateurs, Romney reste au-dessus car il a, pour la cinquième fois consécutive, maitrîsé l'ensemble de la soirée. En tant que favori désormais indiscutable, il était pourtant l'objet de toutes les attentions - bonnes ou mauvaises - de ses adversaires.
Perry a fourni aux médias de quoi alimenter l'intérêt des électeurs autour de sa candidature. C'était bien là l'essentiel, alors que la campagne préisdentielle, privée de débat jusqu'au 9 novembre, se tourne vers une nouvelle phase. Avec les dates limites d'inscription s'approchant dans tous les Etats, la lutte sur le terrain reprend ses droits. Et avec elle, encore, son lot de petites phrases assassines.