Les deux hommes d'affaires partagent actuellement le haut de l'affiche (Montage Politico)
Mitt Romney fait preuve, depuis le début de l'année 2011, d'une régularité remarquable : son soutien est stable depuis maintenant 10 mois, oscillant entre 20 et 25% des militants républicains. Mais certains spécialistes n'hésitent pas à signaler que, les primaires commençant dans moins de 80 jours, le fait que Romney n'arrive pas à atteindre le tiers d'intentions de vote au niveau national révèle un manque latent de popularité. De fait, on a vu tout au long de l'année des candidats au profil plus ou moins connu incarner l'alternative à l'ancien gouverneur du Massachusetts. Depuis début octobre, ce rôle incombe à Herman Cain.
L'ancien PDG de Godfather's Pizza avait déjà connu une forte montée dans les sondages, mi-juin, juste avant que Michelle Bachmann n'annonce sa candidature. Miné par des déclarations catastrophiques à la télévision, la "bulle" Herman Cain n'avait alors pas fait long feu. En effet, à la manière d'un phénomène bien connu en ces temps de crise, les candidats républicains font, tour à tour, office de bulle spéculative pour tenter de contrer l'irrésistible marche de Romney vers la nomination.
Tout d'abord, il y a eu Donald Trump, entre fin avril et mi-mai. Le milliardaire a dû renoncer du fait du pic de popularité d'Obama en mai, provoqué par la publication de son certificat de naissance et de l'élimination d'Oussama Ben Laden. Puis ce fut, brièvement, la période Tim Pawlenty, de mi-mai à mi-juin, qui lui-même fut écarté par Michele Bachmann de mi-juin à début août. La victoire de cette dernière à l'Ames Straw Poll du 13 août a poussé d'ailleurs poussé Pawlenty à mettre fin à son effort présidentiel.
La valse des candidats anti-Romney s'est poursuivie ce même 13 août 2011, lorsque le gouverneur du Texas Rick Perry a décidé d'entrer en course pour l'investiture. Il grimpe immédiatement à 40% des intentions de vote au niveau national, mais à cause de ses performances plus que médiocres en débat, il laisse filer le P5 Straw Poll de Floride du 25 septembre dernier à Herman Cain. Cette date marque la fin de la "bulle Perry" au profit de la "bulle Cain" d'aujourd'hui.
Comme Rick Perry il y a quelques semaines, Herman Cain tutoie Mitt Romney dans de nombreux sondages. Au niveau national, CNN rapporte hier que les deux hommes sont statistiquement à égalité, 26% pour le candidat mormon et 25% pour l'ancien patron de Godfather's Pizza. Dans le Nevada, un Etat où Romney a gagné avec 51% des voix en 2008, l'ancien gouverneur ne possède que cinq points d'avance sur Cain (31 contre 26%).
Tout augure d'un destin similaire à celui qu'ont connu les précédents candidats anti-Romney. Cain multiplie en effet les interviews à la télévision plutôt que de laisser l'élan médiatique paisiblement travailler en sa faveur. Les médias lui ont donné le statut de favori, mais il commet l'erreur de surexposer sa candidature aux attaques de ses adversaires. Depuis quelques jours, les critiques sur son plan fiscal "9-9-9" pleuvent, tandis que sa doctrine en matière de politique étrangère consiste à dire aux journalistes : "Je ne connais pas la réponse à cette question, mais je vous le dirai une fois que je serai président".
Surtout, si les premiers Etats à voter le plaçent statistiquement en position d'inquiéter Romney, Cain a pourtant choisi une stratégie électorale peu commune. Celle-ci consiste à faire campagne dans des Etats qui votent plus tard dans le processus des primaires, et donc qui n'ont aucun impact réel sur l'issue de la course. Par exemple, Cain fait campagne en Arkansas, au Texas, en Alabama ou Indiana au lieu de se concentrer sur l'Iowa, où il ne s'est pas rendu depuis août.
A court-terme, ses interviews "rock n' roll" sont un réel danger pour sa candidature. Comme pour tous les candidats mis en lumière précédemment, les électeurs quitterront Cain au fur et à mesure qu'ils le connaîtront plus avant. Ainsi, le moyen-terme verra Cain s'effondrer lors des premiers scrutins, car sa stratégie n'est pas la bonne. Qu'importe, il semble que seul le long-terme lui importe : la vente de son livre et l'obtention de son propre show sur Fox News. De ce point de vue-là, il faut l'avouer, Cain est plutôt bien parti.
Dans quelques semaines, le "phénomène Cain" sera passé de mode. Il nous restera alors à découvrir vers qui les républicains se tourneront pour incarner la nouvelle alternative à Romney.