Après une victoire étriquée lors du caucus de l’Iowa, Mitt Romney a pris le meilleur départ possible dans la course à l’investiture républicaine, qui servira à choisir l’adversaire de Barack Obama lors de la présidentielle américaine de 2012. L’ancien gouverneur du Massachusetts réaliserait même la campagne idéale pour Soufian Alsabbagh, auteur d’une biographie à paraître sur Mitt Romney*.
La victoire de Mitt Romney dans l’Iowa est-elle déjà significative dans cette investiture républicaine?
Elle est significative mais pas encore décisive. S’il s’était imposé de façon assez large, il aurait pu tuer le match. Pour contrer sa candidature, la frange conservatrice du Parti républicain avait besoin d’une nette victoire d’entrée. Elle ne l’a pas eu. Mais son principal candidat, Rick Santorum, a perdu de huit voix seulement…
Cette victoire a-t-elle donc davantage une portée symbolique?
Oui, l’important est surtout qu’il n’ait rien perdu dans ce caucus. L’Iowa ne le favorisait pas. Mitt Romney est modéré et il a réussi à s’imposer en terre conservatrice – 80% de l’électorat républicain de cet Etat se déclarant comme tel. En récoltant 25% des suffrages, il a donc réussi à grappiller quelques voix. Et en cas d’une nouvelle victoire dans le New Hampshire le 10 janvier puis en Caroline du Sud le 21, l’effet d’entraînement sera par la suite inévitable.
Y aura-t-il un duel entre lui et Rick Santorum? Ce dernier reste bas dans les sondages nationaux…
La course se jouant Etat par Etat, les sondages nationaux ne veulent rien dire. C’est surtout l’enchaînement des bonnes performances qui propulse un candidat. Avec ce résultat en Iowa, Rick Santorum va forcément monter dans les intentions de votes. Les deux prochains rendez-vous seront cruciaux pour savoir s’il va réussir à rassembler l’ensemble du camp conservateur. Il sera donc important de surveiller quand interviendront les abandons des autres candidats. Newt Gingrich par exemple, qui ne semble pas vouloir jeter l’éponge, pourrait siphonner des voix à Rick Santorum.
L’éclosion tour à tour des candidats conservateurs dans cette campagne – Michèle Bachmann, Rick Perry, Herman Cain, Newt Gingrich et maintenant Rick Santorum – semble en tout cas montrer que Mitt Romney n’est pas l’homme providentiel…
De nombreux républicains reprochent à Mitt Romney un manque de charisme et des changements de positions sur plusieurs sujets. Mais c’est probablement la plus grande chance du Parti républicain pour battre Barack Obama en 2012. L’élection présidentielle va certainement se jouer au centre et le président l’a bien compris. Le mieux pour les républicains serait donc d’être représenté par un modéré pour ne pas perdre trop de voix auprès de cet électorat.
Mais Romney, s’il est élu, réussira-t-il à rassembler son camp?
Les républicains le soutiendront une fois investi, ce n’est pas un problème. En revanche, il y a une frange très conservatrice qui peut très bien lancer un candidat lors de la présidentielle. Il faut par exemple faire attention à Ron Paul, qui possède d’importants moyens financiers et qui représente les libertariens – ceux qui sont opposés à toute forme d’Etat. A la différence des autres conservateurs qui préfèrent mener leur combat à l’intérieur du Parti républicain, Ron Paul a déjà été candidat à l’élection présidentielle en 1988 sous cette étiquette libertarienne.
Malgré ce risque de dispersion des voix, Mitt Romney reste-t-il le plus à même de battre Barack Obama?
Oui car au-delà de cette importance de l’électorat indépendant, l’aspect géographique doit être pris en compte. Mitt Romney sera très fort dans les "Etats bleus", ceux qui votent majoritairement démocrates. Prenons l’exemple du Massachussetts, dans lequel il a été gouverneur. Il est aussi né dans le Michigan et il aura donc davantage de voix qu’un autre républicain. Et puis il y a tous les "swing states", tantôt démocrate, tantôt républicain, qui pourront condamner la politique d’Obama en 2012.
Fait-il un parcours sans faute, selon vous?
Il ne fait pas campagne pour remporter la nomination républicaine mais bien pour gagner l’élection présidentielle. Comparé à sa candidature en 2008, il a gagné en expérience. Il ne refait pas les erreurs du passé, comme la gestion de ses finances par exemple. Il avait énormément dépensé dès le mois de janvier et il avait tout perdu.
Ses attaques ciblent d’ailleurs davantage Barack Obama que ses autres adversaires du parti. N’est-ce pas trop tôt pour cela?
C’est une bonne chose pour se donner une image présidentielle. Il laisse le boulot ingrat à ses comités de soutien, qui se chargent d’attaquer ses concurrents. Et cela lui réussit.
* L’Amérique de Mitt Romney, Demopolis, 272 pages, 21€. Parution le 12 janvier.
Arnaud Focraud - leJDD.fr
mercredi 04 janvier 2012