Romney veut "remplacer" Obamacare , mais n'a toujours pas proposé de plan de couverture-santé universel alternatif pour le faire (Photo AP)
Aujourd’hui, la majorité républicaine à la Chambre des représentants votera un texte proposant l’abolition de la réforme de la santé récemment approuvée intégralement par la Cour suprême des Etats-Unis. Une initiative symbolique, car n’ayant aucune chance d’entrer en vigueur. Mais une initiative symbolique, surtout, du plus grand danger qui menace Mitt Romney en novembre.
Il y a deux semaines, l’arrêt National Federation of Independent Business vs. Sebelius délivré par la Cour suprême sur « Obamacare » n’a pas suffi pour freiner l’entêtement des républicains. Les leaders républicains de la Chambre, John Boehner (OH) et Eric Cantor (VA), vont rassembler leur majorité autour d’un texte abolissant la réforme-phare du président Obama.
C’est une mesure largement symbolique, puisqu’il est impossible que l’abrogation prenne effet : il faudrait aux républicains la majorité dans les deux chambres du Congrès, plus le contrôle de la présidence pour éviter les écueils du régime présidentiel américain.
Pour autant, l’initiative est utile pour le Parti républicain, dans le but de poser les termes de la candidature de son nominé pour l’élection présidentielle de novembre, Mitt Romney. Grâce au vote d’aujourd’hui, les républicains veulent signifier aux électeurs qu’un vote Romney équivaut à l’abolition de l’Obamacare – sachant que, comme expliqué plus haut, la victoire de Romney à elle seule pourrait ne pas suffire pour y parvenir.
La posture du Parti républicain est logique étant donné que seulement 30% des Américains sont en accord avec la pièce centrale de la réforme, le mandat individuel. Cette provision requiert que les citoyens souscrivent à une assurance santé auprès des compagnies pharmaceutiques spécialisées. Pourtant, de nombreux autres pans de la loi sont très populaires, notamment la couverture des moins de 26 ans ou la fin de l’examen des conditions préexistantes pour obtenir une assurance-maladie.
Par conséquent, l’abolition totale de la loi est politiquement synonyme d’échec à moyen terme pour les républicains. Problème : Mitt Romney, leur chef de facto, est incapable de proposer une alternative crédible. Pour cause : la pierre angulaire de la réforme d’Obama, le mandat individuel, est originellement une idée républicaine.
Sachant le pays en crise et fortement endetté, Barack Obama a voulu jouer la carte de l’accord bipartisan en 2009 pour maximiser ses chances de faire avancer les choses. Dans les années 1990, les républicains ont proposé l’ « individual mandate » comme une alternative au « single payer mandate » à la française ou le « enterprise mandate » de Bill et Hillary Clinton. Le mandat individuel était l’alternative de droite, pro-business, aux deux autres solutions avancées par les démocrates.
En 2006, quand Mitt Romney fait adopter son propre plan de santé dans son Etat du Massachusetts, basé sur le mandat individuel, l’effort bipartisan est salué par tous, notamment côté républicain. En 2008, Jim DeMint, sénateur de Caroline du Sud, salue l’initiative de Romney en préconisant que sa réforme soit adoptée à l’échelle du pays.
Quatre ans plus tard, la schizophrénie du Part républicain, sous l’influence du Tea Party, est passée par là. Jim DeMint et consorts tirent à boulets rouges sur un projet présidentiel qu’ils ont promu vingt ans durant. La réforme « socialiste » est en vérité républicaine. L’hypocrisie du Parti républicain est totale ; au lieu de proposer, celui-ci n’a plus d’autre choix que de détruire.
Le phénomène est symptomatique d’un problème plus large encore qui menace la candidature de Romney en novembre : les républicains passent leur temps à critiquer Obama, sur tous les sujets, sans rien proposer au peuple américain. Et ce sont les conservateurs qui le disent : ce weekend, un éditorial paru dans le Wall Street Journal encourageait Romney à mettre en avant des solutions claires pour sortir le pays de la crise.
Les sondages montrent que Romney et Obama sont à égalité au niveau national, mais au vu des chiffres du chômage, Romney devrait largement mener le président sortant à l’heure qu’il est. Depuis les années 1930, aucun président sortant n’a été réélu avec un taux de chômage supérieur à 7,4% ; or, le chiffre dévoilé par le Department of Labor vendredi dernier était de 8,2%, sans espoir de reprise suffisamment forte à court terme pour remettre Obama dans la norme historique d’ici novembre.
Mais Obama possède toujours un avantage net dans les Etats-clés (swing-states) car il est plus aimé et plus connu des Américains que Romney. Surtout, Obama est force de proposition car il sait capitaliser sur les idées autrefois mainstream des républicains, aujourd’hui balayées par la radicalisation du leadership du parti. En témoignent ses annonces sur les hausses d’impôts en début de semaine, qui ont réussi à faire oublier au public les mauvais chiffres du chômage.
Romney n’a aucun intérêt à proposer quoique ce soit, puisque les sondages penchent de plus en plus en sa faveur. A l’évidence, sa stratégie défensive est suffisante pour gagner du terrain sur Obama, tant financièrement qu’électoralement. Mais qu’en sera-t-il en novembre ? A vouloir tout détruire, les républicains pourraient gâcher la meilleure chance de battre un président sortant depuis trente ans.