La plongée dans l'univers personnel de Romney vise à combler son manque d'amour face à un président qui, bien que de plus en plus impopulaire, n'en est pas pour autant moins bien aimé. Le déficit de popularité de Mitt Romney face à Barack Obama est sans appel : selon un sondage du Washington Post publié hier, 61% des Américains pensent que le président sortant est plus amical que le nominé du Parti républicain dans la vie de tous les jours. Dans une élection qui s'annonce extrêmement serrée, tous les détails vont compter, et rien ne dit aujourd'hui que les Américains ne choisiront pas leur futur président sur la base du ressenti personnel.
Romney, c'est le moins que l'on puisse dire, a donc du pain sur la planche. L'équipe du candidat mormon a fait un travail de fond, pré-convention, pour rémédier au manque d'amour touchant son champion. Documentaire version longue sur CNN dimanche, interview très personnalisée sur Fox News (voir plus haut), l'état-major républicain a laissé rentrer la presse dans le fief familial de Wolfeboro, dans le New Hampshire.
On y voit Romney être quelqu'un d'autre qu'un politicien hésitant dans ses interviews, car tentant constamment d'éviter les gaffes. Etre quelqu'un d'autre, aussi, qu'un businessman froid et rigide, image qu'il a dû vendre à outrance aux militants républicains lors des primaires pour les convaincre de sa capacité à remettre le pays sur de bons rails. Le candidat du GOP (Grand Old Party) joue avec ses petits-enfants et fait des pancakes avec son épouse dans un vaste domaine qui ne compte pas de domestiques.
Durant la convention en elle-même, il s'agira pour Romney de continuer ce travail de sape pour modifier son image austère. Des documentaires biographiques ont été soigneusement préparés par son équipe. Ses cinq fils multiplient les interviews télévisées pour tenter de faire connaître "l'autre face" du candidat millionnaire.
Comme il l'a fait il y a une semaine en emmenant des journalistes assister à la prière dominicale à l'Eglise mormone de Wolfeboro, le camp républicain prévoit également, pendant la convention, d'aborder de front la question religieuse. Du fait des nombreux préjugés habitant la population américaine à ce sujet, Romney a toujours évité de parler de mormonisme au cours de sa campagne. Il espère à présent dévoiler l'influence positive de sa foi sur sa personnalité pour toucher les Américains.
Outre les questions liées à la personnalité de Romney elle-même, l'autre mission du candidat républicain sera de faire remonter les intentions de vote des femmes en sa faveur. Selon le Washington Post, 49% des femmes penchent actuellement pour le duo Obama/Biden, contre 43% seulement pour le ticket Romney/Ryan.
Le scandale provoqué par le représentant républicain du Missouri, Todd Akin, à propos de l'avortement, menace d'éloigner les électeurs modérés des swing-states de la candidature de Romney. Conscient des chiffres le donnant actuellement gagnant chez les indépendants grâce à sa propension à parler des thèmes économiques, le candidat républicain s'est très vite distancé des propos d'Akin en les condamnant fermement.
Paul Ryan, co-auteur d'un projet de loi avec Akin à la Chambre des représentants pour resteindre la définition du viol aux Etats-Unis, et par là même, l'accès à l'avortement, a dû abandonner sa position pour coller à celle de Romney, plus modérée. Pour autant, la plateforme du GOP prévoit l'interdiction de l'avortement sans distinction de cas de figure, un gage que Romney a dû concéder à la droite de son parti.
Par conséquent, résolu à refaire son image chez les femmes, Romney sort "l'arme lourde" dès ce soir à la convention, puisque sa femme, Ann, y délivrera le discours le plus attendu. Initialement prévu pour lundi soir, le fait que le discours d'Ann Romney ait été déplacé au mardi soir pour coller aux heures d'antennes des chaînes nationales américaines montre son importance pour le camp républicain. A plus forte raison, du fait du décalage de l'ouverture de la convention, le discours de l'épouse de Romney sera la première chose que les téléspectateurs américains verront ce soir.
Romney se doit de ne pas manquer son départ cette semaine, étant donné son retard contre le président sortant chez les femmes et sur le plan personnel. Dans une campagne très courte (neuf semaines), les occasions seront rares par la suite pour soigner sa storyline. Bientôt, les débats, les meetings et les levées de fonds reprendront le dessus.
Pour tout savoir sur l'élection présidentielle américaine de 2012 | |
L'Amérique de Mitt Romney, la seule biographie en français sur l'adversaire du président Barack Obama. | La Nouvelle Droite Américaine : La radicalisation du Parti républicain à l'ère du Tea Party, à paraître chez Demopolis le 30 août prochain. |
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