Les rivaux Gingrich (à gauche) et Romney (à droite) lors du débat présidentiel de Rochester (MI), le 9 novembre 2011
Selon plusieurs instituts de sondages, l'avance de Newt Gingrich sur Mitt Romney dans l'Iowa est désormais très nette. Romney a encore une trentaine de jours pour attaquer son adversaire et tenter de refaire son retard, mais le temps presse. En décembre, trois débats sont prévus dans le "Hawkeye State", ce qui devrait donner l'occasion à l'ancien gouverneur du Massachusetts de se distinguer de l'ancien président de la Chambre des représentants. Mais est-il possible d'entraver la montée en puissance de Gingrich ?
Hier, deux sondages conduits par Public Policy Polling et NBC News ont montré que Newt Gingrich gagnait du terrain sur Mitt Romney en Iowa, l'Etat qui s'exprime traditionnellement en premier lors des primaires présidentielles américaines. Le premier de ces deux instituts montre que l'ancien Speaker dispose de 27% d'intentions de vote, contre 16% à Romney (marge d'erreur : +/- 4,1%), tandis que NBC News propose des chiffres relativement similaires, 26% contre 18% (+/- 4,8% de marge d'erreur). Le taux d'indécis est de 7% et 9% pour chacun des deux sondages, respectivement.
L'avance plutôt confortable de Newt Gingrich en Iowa est une raison pour Mitt Romney de s'inquiéter. Hier, dans le New York Times, l'analyste Nate Silver a rappelé que sur les onze caucus disputés dans le "Hawkeye State" depuis 1980, celui qui était en tête des sondages à un mois du scrutin s'est imposé huit fois. Mais en changeant de perspective, la tendance historique sourit plutôt à Romney : sur les cinq cas où le leader avait une avance inférieure à 10% dans les sondages à un mois des caucus, il gagné deux fois mais s'est incliné à trois reprises.
En 2008, Mike Huckabee s'était imposé dans les caucus républicains de l'Iowa, malgré toute l'organisation de Romney et l'argent que ce dernier y avait dépensé - environ 10 millions de dollars. Mais Huckabee dominait Romney par une marge bien plus conséquente à un mois des caucus, passant régulièrement au-dessus des 30%, chose que Gingrich ne parvient pas à faire pour le moment. Faute d'une puissance financière suffisante dans les scrutins suivants, Huckabee s'est effondré sous les coups de John McCain, soudainement soutenu par tout l'establishment républicain et qui a rapidement scellé la nomination.
La comparaison entre 2012 et 2008, quoique contrastée sous un certain regard, ne va pas sans son lot de similitudes. Comme Huckabee en 2008, Gingrich manque cruellement d'organisation en Iowa mais peut compter - selon les sondages actuels - sur une popularité très importante. En matière de fonds, comme en 2008, Romney domine de la tête et des épaules, puisqu'il totalisait plus de 32 millions de dollars fin septembre, quand le compte en banque de la campagne de Gingrich était empêtré dans le négatif.
L'ancien président de la Chambre des représentants va sans aucun doute profiter d'un coup de pouce des investisseurs qui, à la faveur de ses bons résultats dans les sondages, seront moins réticents à l'appuyer dans son effort présidentiel. Mais encore une fois, les questions organisationnelles montrent à quel point, en Iowa comme au niveau national, la campagne de Gingrich est fragile. Ses équipes ont par exemple manqué de verser un chèque de mille dollars à temps pour être inscrit sur les bulletins de vote dans le Missouri, ce qui met l'ancien Speaker de facto hors-course dans cet Etat.
Ainsi, le plus grand espoir de Romney est de maintenir son avance dans le New Hampshire, l'Etat qui s'exprime en deuxième position dans le processus des primaires américaines, pour éventuellement encaisser une défaite dans l'Iowa et prolonger, de par l'étendue de son trésor de guerre, son effort présidentiel dans les Etats suivants. Selon les derniers sondages dans le "Granite State", Romney domine largement Gingrich, 39% contre 23%.
Plusieurs signes montrent que Romney peut revenir en Iowa. Au delà des indices actuels et autres tendances historiques, l'équipe de Romney s'est fait très discrète dans la presse pour préparer un argumentaire à charge contre Gingrich. Seront notamment au centre de l'attention son passé de leader controversé à Washington, les scandales qui ont entouré ses quatre années à la tête de la Chambre des représentants, sans oublier les juteux dividendes que lui ont apporté ses diverses collaborations avec des lobbies démocrates, dans les années 2000. Gingrich, comme les précédentes "stars du moment" (Bachmann, Perry, Cain, entre autres) n'est donc pas à l'abri d'un effondrement soudain dans les sondages.
Les trois débats qui se profilent en Iowa avant la nouvelle année (10, 15 et 27 décembre) vont sans aucun doute donner à Romney matière à mettre en oeuvre son retour. Ce dernier n'est pas avantagé par sa religion mormone dans un Etat dominé à 60% par les chrétiens évangélistes, mais en face des trois mariages - et deux adultères avoués - de Gingrich, les 42 ans de mariage et les cinq enfants d'Ann et Mitt Romney sont incontestablement un atout. Pour ce qui est des idées à proprement parler, Romney s'est écarté de son pedigree modéré pour adopter une position plus conservatrice que Gingrich en matière d'immigration : l'ancien Speaker est favorable à l'amnistie pour les immigrés illégaux présents aux Etats-Unis depuis vingt ans ou plus, quand Romney s'y oppose.
En somme, une victoire de Romney dans l'Iowa semble difficile, mais elle n'est pas impossible. Surtout, sur le long-terme, il apparaît qu'une défaite dans le "Hawkeye State" pourrait ne pas être préjudiciable, étant donné les faiblesses organisationnelles de la campagne de Gingrich. A l'approche de Noël, si l'avance de Gingrich ne faiblit pas, Romney abandonnera tout effort en l'Iowa pour ne pas y faire figure de perdant, clamant aux électeurs qu'il n'y a pas livré bataille. Une tactique déjà utilisée par un candidat modéré, détesté par la droite dure en Iowa, mais très populaire dans le New Hampshire. C'était en 2008 : cette année-là, John McCain avait remporté haut la main la nomination du Parti républicain.