Il y a trois ans, Barack Obama était élu président des Etats-Unis dans la liesse populaire... Une image que l'on reverra l'an prochain ? Pour le moment, rien n'est moins sûr. (Grant Park de Chicago, 4 novembre 2008 / AFP)
Le 6 novembre 2012, le nom de Barack Obama sera sans aucun doute sur les bulletins de vote, à l'heure où le président réclamera un deuxième mandat de quatre ans aux Américains. Le mystère plane encore sur l'identité de son adversaire, une interrogation à laquelle les primaires républicaines du printemps prochain ne tarderont pas à répondre.
Malgré tous les avantages dont peut jouir un président sortant, Obama n'a pas l'élection gagnée d'avance. Le pays, qui ne parvient pas à sortir d'une grave récession, est au bord de la crise existentielle : le fossé entre ses deux principaux partis est tel que les institutions américaines sont aujourd'hui largement défaillantes, à commencer par le Congrès. La campagne de 2012 sera rythmée non par les slogans d'espoir et de changement qu'Obama a utilisés en 2008, mais par les spots télévisés les plus vicieux et médisants qui sont habituellement partie prenante des campagnes de réélection.
Trois ans après le "phénomène Obama", les Américains pourraient être tentés de redonner l'avantage aux républicains. Ils l'ont fait lors des élections de mi-mandat, dans un contexte de crise qui sera toujours d'actualité en novembre 2012. Mais alors que l'influence du Tea Party se fait toujours plus pressante, l'autre terme de l'alternative sera-t-il envisageable ?
L'Amérique manque de confiance en l'économie et en ses dirigeants
Plus que tout autre indice, le taux de chômage, dans un an, aura un poids considérable sur l'issue de l'élection. En janvier 2009, alors qu'Obama était intronisé président, 7,7% des Américains n'avaient pas d'emploi. Ce taux est aujourd'hui de 9,0%, alors que le président avait prédit que son plan de relance de février 2009 le garderait au-dessous de la barre des 8%.
Depuis 1980, l'histoire a prouvé qu'il était difficile pour un président d'être réélu avec un taux de chômage supérieur à 7%. Seul Ronald Reagan, en 1984, a réussi cette prouesse, avec alors 7,2% des Américains à la recherche d'un emploi. Or, les spécialistes ne s'attendent pas à ce que le taux de chômage descende en-dessous de 7,7% en novembre 2012.
Pourtant, Barack Obama profitera toujours des avantages non négligeables dont disposent les présidents sortants, que ce soit en termes d'organisation électorale, de soutiens ou de financement. Ainsi, sur les treize derniers présidents ayant fait campagne pour être réélus, dix ont trouvé le chemin du succès. Cependant, comme le taux de chômage, la cote de popularité d'Obama, actuellement de 43%, est annonciatrice de défaite. Depuis 1952, aucun président avec une cote de popularité de moins de 49% à un an de l'élection générale n'a été réélu.
La popularité d'Obama, comme le signalait la semaine dernière l'animateur Jay Leno, est toujours plus importante que celle du Congrès. Le mois dernier, seulement 13% des Américains approuvaient l'action du Congrès, selon Gallup. La branche législative, à commencer par sa chambre haute (le Sénat), est minée par deux partis qui refusent tout accord majeur en commun. Or, la rigidité institutionnelle qu'induit un régime présidentiel nécessite un consensus de tous les instants pour fonctionner correctement.
Le parti républicain semble plus que jamais décidé à entraver la marche du président Obama vers la réélection. Le Tea Party, en particulier, reflète le pouvoir grandissant de la droite la plus conservatrice en son sein. Depuis sa victoire lors des élections de mi-mandat, le "parti de l'éléphant" n'a qu'un seul credo : mettre son champion pour la présidentielle de 2012 dans les meilleures conditions pour battre le président sortant. Selon les mots de Mitch McConnell, président de la minorité républicaine au Sénat : "La seule et unique chose qui importe pour nous, c'est qu'Obama ne fasse qu'un mandat".
Obama doit défendre son bilan en 2012
En conséquence, quand Obama a perdu sa majorité à la Chambre des représentants en novembre 2010, sa tâche s'est considérablement compliquée. Le président est conscient qu'il doit faire redescendre le taux de chômage dans les douze mois à venir, c'est pourquoi il ne cesse de parcourir le pays pour promouvoir son plan national pour l'emploi. Mais depuis son annonce en septembre dernier, l'American Jobs Act a été démonté pièce par pièce par la flibuste républicaine au Sénat.
Les républicains reprochent à Obama son manque de leadership en matière économique entre janvier 2009 et janvier 2011, losqu'il avait le contrôle des deux chambres du Congrès. Les démocrates, avec maintenant un peu de recul, réalisent qu'en consacrant une immense partie de son capital politique au passage de son plan pour la santé, le président n'a pas pu être efficace sur le front de l'économie. Dans son dernier livre, Bill Clinton lui-même confie ses doutes sur la politique économique et fiscale de son collègue démocrate, en invoquant notamment l'épisode de la hausse du plafond de la dette.
Les Américains n'en feront sans doute que peu de cas l'an prochain, mais la politique étrangère d'Obama a été largement couronnée de succès. Les morts d'Oussama Ben Laden en mai 2011, puis de Mouammar Kadhafi en octobre dernier, lui ont apporté un petit coup de pouce dans les sondages. Seule ombre au tableau : le processus de paix israélo-palestinien, dressé comme une priorité absolue par Obama au début de son mandat. Celui-ci demeure aujourd'hui au point mort, et les tentatives de relance d'Obama, à l'automne 2010, n'y ont décidément rien changé.
Cela fait maintenant plus de sept mois que le président sortant est officiellement candidat à sa propre succession. Très vite, il lui a été reproché de faire passer la politique avant le sort de l'Amérique, notamment en annonçant viser le milliard de dollars de fonds pour sa campagne de 2012. Les mots-clés "Hope" et "Change"ont été remplacés par le "We can't wait" de son plan pour l'emploi, qui a formellement lancé sa campagne de 2012 il y deux mois.
Comme lors de nombreuses de campagnes de réélection, la peur prendra l'an prochain le pas sur l'espoir. Le démocrate va tenter de convaincre les Américains qu'il ne faut pas retourner à l'époque de Bush, tandis que le républicain menacera l'Amérique d'une catastrophe si elle reconduit le président actuel. La campagne de 2012 sera sans aucun doute très négative, comme ce fut le cas en 2004, par exemple. Le duel Kerry-Bush avait été marqué par les insinuations les plus mesquines qui soient, clips télévisés à l'appui.
Par rapport à 2008, Obama a 354 grands électeurs et 28 Etats à défendre pour, de nouveau, atteindre le "chiffre magique" de 270 grands électeurs. Neuf Etats-clés, ravis aux républicains en 2008, seront au centre de l'attention l'an prochain : il s'agit du Colorado, de l'Indiana, de la Floride, de l'Ohio, de la Caroline du Nord, de l'Iowa, du Nevada, de la Virginie et du Nouveau-Mexique. L'Indiana, par exemple, est d'ores et déjà perdu pour le président. En fonction de l'identité du nominé républicain, d'autre Etats plus solidement démocrates pourraient être remis en jeu, notamment la Pennsylvanie, le New Hampshire ou le Michigan.
Une primaire républicaine très incertaine
La campagne des primaires qui, contrairement à 2008, ne concerne que le parti républicain, est jusqu'à présent caractérisée par sa lenteur et son manque d'enthousiasme. Alors qu'au printemps 2007, le champ des candidats républicains et démocrates était fixé, il a fallu attendre l'automne 2011 pour connaître le panel complet des prétendants du parti de l'éléphant à la Maison-Blanche.
En juin, moins de la moitié des républicains étaient satisfaits par le choix des candidats qui leur était proposé. L'annonce de candidature de Rick Perry, en août, a relancé l'intérêt des Américains pour la primaire, avant que le gouverneur du Texas ne plombe sa campagne par des performances très médiocres en débat. Début octobre, le dernier espoir des républicains pour faire entrer en course Chris Christie, le charismatique gouverneur du New Jersey, a été éteint.
Les militants du parti de l'éléphant n'ont donc d'autre choix que de composer avec un manque d'entrain caractérisé par son favori le plus stable depuis le début de l'année : l'ancien gouverneur du Massachusetts Mitt Romney. Ce dernier, ancien homme d'affaires à succès, est perçu comme très crédible sur les questions économiques. Cependant, sa religion mormone et son passé de gouverneur d'un Etat très modéré, à contre-courant de la vague du Tea Party, ne jouent pas en sa faveur.
Ainsi, tout au long de 2011, les républicains ont cherché à éviter la nomination de Romney en propulsant, tour à tour, un nouveau candidat au sommet des sondages. Newt Gingrich, Tim Pawlenty, Michele Bachmann, Rick Perry, et maintenant Herman Cain... Tous ont incarné l'alternative à un homme dont seulement un quart de militants souhaitent l'investiture, mais qui pourrait bien finir par être sacré champion par défaut. Le scandale Cain laisse les républicains sans altervative à Romney, à moins de deux mois des primaires, même si Gingrich semble préparer activement son retour sur le devant de la scène.
L'ancien gouverneur du Massachusetts, selon CNN, possède l'avantage dans tous les Etats-clés des primaires, à savoir ceux qui s'expriment les premiers. Sa capacité à lever des fonds et sa fortune personnelle, estimée à 260 millions de dollars, sont une arme considérable en cas de primaires de longue durée. Surtout, il est le seul républicain à régulièrement devancer Barack Obama dans les sondages, ce qui lui offre un argument de poids pour convaincre les militants de le sélectionner.
De par son statut de président sortant, Barack Obama est le favori par défaut d'une élection l'opposant à un républicain proche du Tea Party, comme Perry ou Cain. Pareillement, Romney est le favori par défaut d'une primaire qui se cherche avant tout un candidat apte à reprendre le contrôle de la Maison-Blanche aux démocrates. Mais si Obama et Romney devaient se retrouver en duel en novembre 2012, alors tous les indicateurs semblent pencher en faveur du parti républicain.
Avec une économie stagnante, il serait facile à Romney d'en incomber la faute au président, tout en jouant de sa propre crédibilité d'homme d'affaires à succès. Mais auparavant, il faudra passer l'obstacle des primaires d'un parti imbu d'extrémisme, ce qui s'annonce comme la marche la plus haute à gravir pour le modéré Mitt Romney.